Prenez 2 aspirines et lisez
Après des élections aux résultats significatifs, le quotidien reprend ses droits. En route pour le mois de juillet, semble-t-on vouloir nous dire et comme si de rien n’était, Transcom tente de mettre en place son génial concept de double organisation.
Le principe est simple, les plannings modulés commencent à être distribués aux salariés, avec comme thème central, des pauses variable de 30 mn à 1h30 et qu’importe le chaland, qu’il ait ou non signé son avenant. Mais si celui-ci est un « refusant » et conteste ce nouveau mode de planification, on le menace, on lui indique qu’il encourt des sanctions disciplinaires…
Des sanctions disciplinaires ? Oui, en cas de refus d’une modification de l’horaire de travail un salarié s’expose à des sanctions pouvant aller jusqu’au licenciement pour faute. Dans le cas, bien sûr, où un accord collectif, n’est pas intervenu pour modifier de façon significative son contrat de travail. Or, c’est bien le cas, sans quoi l’entreprise se serait abstenue de d’adresser en recommandé avec AR un avenant à l’ensemble de ses salariés.
Le problème de Transcom, c’est un problème de sincérité, car après avoir, dans un premier temps justifié la négociation sur la base d’un motif économique, puis avoir ensuite indiqué largement lors de réunions, que les salariés qui refuseraient l’avenant seraient licenciés, la direction a invoqué son souci de préserver l’emploi pour imposer son système à deux vitesses. Or, les salariés qui ont refusé l’avenant l’ont refusé relativement à l’augmentation de l’amplitude horaire définit au point 2.1.3 de l’accord cadre de 2001 : « Les salariés employés par relais, travaillant dans le cadre d’un contrat de travail à temps partiel au jour de la signature de l’accord bénéficieront également des temps de pause payée au prorata de leur temps de travail (2x10 minutes de pause payée et 30 mn de pause repas non rémunérée, pour un temps de présence quotidien de 7 H 30 et un temps de travail effectif quotidien de 6 H 40. »
Cela nous l’avons dit et redit… La vérité est là, l’essentiel est ailleurs, mais où, me direz-vous ? On se trouve face à Transcom dans toute sa splendeur, l’entreprise pourrait tenter de licencier les salariés qui refuseraient une augmentation de leur amplitude horaire pour cause réelle et sérieuse, alors que c’est impossible. Puisque la modification de leur contrat de travail reposait sur un motif économique, il ne devrait y avoir d’autre motif de licenciement pour les « refusants » que le motif économique :
Depuis un arrêt du 7/7/1998 la Cour de cassation a en effet bien indiqué que la cause d'un licenciement ne pouvait en aucun cas être le refus par le salarié de la modification de son contrat mais bien la raison pour laquelle l'employeur a souhaité modifier le contrat de travail (arrêt du 10/12/1996).
Autre élément de la jurisprudence :
La sauvegarde de l'entreprise
Bien que non prévue par l'article L1233-3 du code du travail, la réorganisation de l'entreprise en vue de faire des économies est parfaitement admise par la jurisprudence de la cour de cassation à la condition que LA SAUVEGARDE DE L'ENTREPRISE SOIT EN CAUSE. La rédaction de la lettre de licenciement peut alors avoir d'importantes conséquences : S'il n'est pas admis que l'amélioration du bénéfice soit la cause unique d'un licenciement pour autant il peut être relativement simple de travestir cette réalité en prétendant que si les difficultés ne sont pas existantes le licenciement est destiné à les prévenir or rares sont les entreprises qui ont une prévisibilité importante sur leur chiffre d'affaire.
Dans le cas de la jurisprudence "pages jaunes" qui a été le "premier licenciement prévisionnel" l'entreprise était en situation de quasi monopole et, adossée à France Telecom, n'avait strictement aucune difficulté financière. La réduction des commissionnements des commerciaux n'étaient sûrement pas de toute première urgence, or cette modification de leur contrat qui avait d'importantes répercutions sur les salaires a été fondée sur l'introduction d'internet censé amener aux commerciaux des affaires sans recherche de clientèle particulière de leur part et c'est sur cette base que la validité du licenciement économique des intéressés a été établie.
11 janvier 2006 | Rejet |
N° de pourvoi : 04-46201
"Attendu que la réorganisation de l'entreprise constitue un motif économique de licenciement si elle est effectuée pour en sauvegarder la compétitivité ou celle du secteur d'activité du groupe auquel elle appartient ;
que répond à ce critère la réorganisation mise en œuvre pour prévenir des difficultés économiques liées à des évolutions technologiques et leurs conséquences sur l'emploi, sans être subordonnée à l'existence de difficultés économiques à la date du licenciement ;
qu'il s'ensuit que la modification des contrats de travail résultant d'une telle réorganisation a elle-même une cause économique ;
Et attendu que la cour d'appel, ayant retenu qu'il ne pouvait être reproché à l'employeur d'avoir anticipé des difficultés économiques prévisibles et mis à profit une situation financière saine pour adapter ses structures à l'évolution de son marché dans les meilleures conditions, a pu en déduire que la modification des contrats de travail des salariés s'inscrivait dans le cadre d'une réorganisation rendue nécessaire pour la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise et que le licenciement des intéressés, qui avaient refusé la modification de leur contrat de travail, était fondé sur une cause économique réelle et sérieuse ; que le moyen n'est pas fondé ;"
Donc Transcom ayant justifié la mise en œuvre de l’annualisation et la modulation sur la base de ses difficultés économiques, elle ne pourrait licencier les salariés ayant refusé de signer l’avenant que pour motif économiques. Or, au-delà de 9 licenciements sur l’ensemble des établissements pour un tel motif, l'entreprise doit mettre en œuvre ni plus, ni moins qu’un PSE. Le risque que dénonce la CFDT, c’est de voir mis en œuvre par la direction un PSE qui ne dit pas son nom.
On le voit, les salariés dans leur ensemble, ont la possibilité de faire valoir des arguments juridiques face à une direction qui soutient mordicus que l’avenant proposé à la signature ne concernait que l’annualisation, pourtant, l’intitulé de l’avenant à l’accord cadre est clair, il porte sur l’annualisation et la modulation. Bien sûr, si les salariés vont aux prudhommes, en fonction des juridictions, l’appréciation des recours pourrait varier, mais on peut quand même largement s’étonner de la stratégie d’une entreprise comme Transcom qui a fait montre d’un manque de transparence totale sur les suites données à la signature des avenants.
On est tellement dans le doute, qu’on pourrait même se poser la question suivante, les documents transmis aux organisations syndicales pour justifier des difficultés économiques de l’entreprise étaient-ils parfaitement sincères ? La question se pose lorsqu’on voit 30% des salariés refuser l’avenant sans que l’entreprise ait « peur » de le supporter. L’expertise en cours dans le cadre du droit d’alerte devrait pouvoir le déterminer, mais qu’adviendra-t-il si tel n’est pas le cas ?
De la même façon, si des salariés ayant signé l’avenant intentaient un recours pour l’avoir fait sur la base d’informations erronées, quel serait le verdict ?
Ce qui est clair aujourd’hui, c’est que l’entreprise doit renoncer à une double-organisation qu’elle sera incapable de gérer correctement et faire cesser les suppressions de poste qu’elle semble organiser mois après mois, combien depuis le début de l’année ?
Ce qui est sûr, en tous les cas, c’est que chaque jour, dans les centres, le climat social se détériore et qu’à part les salariés eux-mêmes, tout le monde semble s’en foutre.